Il avait ce petit air tranquille de ceux qui ne s’inquiètent jamais pour eux. Soixante-dix ans, retraité actif, un peu de cholestérol, quelques décennies de tabac derrière lui, mais un sourire franc, et cette phrase qu’on entend si souvent :
— « Docteur, ma femme m’a demandé de venir consulter, mais tout va bien . »
Le patient banal qu’on voit tous les jours
Un matinée de consultation classique, quand vient le tour de Mr B. Il s’est assis face à moi, posé, sans douleur, sans fièvre, juste… un hoquet.
Un hoquet tenace, disait-il, qui durait depuis trois jours. Il avait tout essayé : boire à l’envers, bloquer sa respiration, le sucre sous la langue… Rien n’y faisait.
— « C’est embêtant, surtout pour dormir, docteur. Mais bon, c’est rien de grave, hein ? »
Et il avait raison : la plupart du temps, ce n’est rien de grave. Mais parfois — rarement, très rarement — le corps parle d’une façon qu’on ne comprend pas tout de suite.
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Un examen médical parfaitement normal
Je l’examine : tension correcte, auscultation cardiaque et pulmonaire sans particularité, pas de fièvre, pas de douleur thoracique, pas de gêne à l’effort. Rien ne justifie une inquiétude immédiate.
Tout ce que je vois, c’est un homme en bonne forme… un peu fatigué, certes, mais souriant, le genre de patient qu’on rassure et qu’on renvoie chez lui avec un conseil médical simple.
Et pourtant, pendant qu’il parlait, quelque chose me dérangeait. Pas un signe précis. Pas un symptôme. Juste une intuition — ce petit “feeling” que tous les médecins connaissent. Cette sensation que quelque chose ne colle pas.
Le doute, le “sixième sens” du médecin
Puis au fur et à mesure j’ai repenser à ses antécédents : ancien fumeur, un peu de cholestérol, âge à risque…
Rien d’alarmant isolément, mais l’ensemble dessinait un profil qui, parfois, cache une maladie silencieuse.
J’aurais pu ignorer ce doute. Mais ce jour-là, je me suis écouté.
Je lui ai alors demandé d’aller voir les infirmières pour réaliser une prise de sang le jour même
Le verdict tombe
Deux heures plus tard, le laboratoire m’appelle. La prise de sang n’est pas bonne, il y a possiblement un problème cardiaque, le reste des explorations doivent être fait à l’hôpital
Le patient au hoquet avait en réalité un infarctus en train de se déclencher.
Et le hoquet ? C’était le symptôme du cœur qui souffrait, un signal envoyé par un nerf irrité, un message que le corps transmettait sans douleur.
À l’hôpital, la confirmation
Aux urgences, la coronarographie montre une artère coronaire obstruée. Un stent est posé immédiatement.
Le patient est sauvé, sans aucune séquelle.
Et ce jour-là, je me suis rappelé pourquoi la médecine n’est jamais une science exacte.
Pourquoi un hoquet peut révéler un infarctus
Le hoquet, c’est la contraction involontaire du diaphragme.
Dans certains cas, un infarctus situé sur la partie inférieure du cœur (celle la plus proche du diaphragme) peut irriter le nerf phrénique ou les fibres voisines.
Résultat : le diaphragme se contracte de manière anarchique.
Aucun symptôme typique, pas de douleur thoracique, pas d’oppression, juste… un hoquet. Et c’est ce qui rend ces situations si piégeuses.
Elles ne ressemblent à rien, et pourtant, elles peuvent tuer.
Leçon de médecine (et d’humilité)
Quand on exerce depuis des années, on apprend que les patients les plus rassurants peuvent parfois être les plus dangereux.
Ceux qui minimisent, qui n’ont “rien”, qui viennent “juste pour faire plaisir à leur femme”.
La médecine, ce n’est pas seulement des chiffres, des examens ou des guidelines. C’est aussi ce sixième sens, cette voix intérieure qui dit : “vérifie, tu ne perds rien.” Ce jour-là, cette voix a sauvé une vie.
Le mot du médecin
Quelques jours plus tard, il est revenu me voir après sa sortie de l’hôpital.
Toujours le même sourire, mais cette fois, un peu d’émotion dans les yeux.
— « Vous savez, docteur, j’aurais jamais cru que c’était le cœur»
— « Moi non plus, si je ne m’étais pas écouté. »Et chaque fois qu’il me revoit, il plaisante : — « Vous voyez, mon hoquet, je ne l’ai plus »
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Ce qu’il faut retenir
- Un hoquet persistant peut être le signe d’un trouble grave (cardiaque, digestif, neurologique).
- Chez une personne à risque (âge, tabac, cholestérol), mieux vaut toujours explorer.
- En médecine, l’intuition est souvent le fruit de l’expérience.




